Souvent présenté comme une source de croissance inépuisable par les retailers, le e-commerce a pourtant vu se succéder les ratages en tout genre depuis dix ans. Retour sur quelques exemples d’accidents industriels qui ont durablement marqué le secteur de la vente en ligne.
Malgré la très forte croissance du e-commerce ces dernières années – 87,5% des internautes français achètent désormais en ligne –, nombreuses sont les entreprises du secteur qui ont dû faire face à de très grandes difficultés économiques, et ont parfois du renoncer à devenir rentables. Une épidémie qui n’a pas épargné les plus vénérables d’entre elles, ou les mieux dotées financièrement.
Acteur historique de la vente par correspondance, les 3 Suisses ont ainsi vu leur chiffre d’affaires fondre de 1 milliard d’euros en 2005 à tout juste 120 millions une décennie plus tard, avec 60 millions de pertes sur le dernier exercice. Si les 3 Suisses s’étaient lancés sur internet dès 1995, ceux-ci ont été tout de même pris de vitesse par la digitalisation du secteur de la vente à distance. Après avoir connu quatre plans sociaux en quinze ans, l’entreprise devenue l’ombre d’elle-même a été rachetée en 2018 par le Groupe Shopinvest qui a ainsi fait main basse sur les données de 8 millions de clients.
Le concurrent historique des 3 Suisses, le groupe La Redoute s’était quant à lui résigné en 2014 à supprimer 1 178 postes sur un effectif de 3 400 salariés pour redresser la barre. En cause : un virage digital mal négocié, qui a bien failli envoyer l’ancien vépéciste dans le décor. Si La Redoute a depuis « ressuscité » à la force du poignet au prix d’un durcissement des conditions de travail dans les entrepôts du groupe, l’entreprise est cependant loin d’égaler ce qu’elle fût jadis au temps du catalogue papier.
Autre accident industriel, Pixmania, l’ex-success story du secteur, est devenue un cauchemar éveillé pour ses actionnaires. Passé de quelques 897 millions de chiffre d’affaires en 2010 à 33 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017 (et 10 395 500 euros de pertes), l’ex-star de la vente en ligne de produits high tech a subi de plein fouet la concurrence croissante d’Amazon et du français Cdiscount. Une trajectoire suivie de manière assez similaire par MisterGoodDeal, racheté par Darty en 2015, et par Surcouf en 2009, qui ont aussi échoué à s’imposer sur ce marché.
Showroomprivé et Rue du Commerce, deux nouveaux ratés sur la liste ?
Showroomprivé sera-t-il le prochain sur la liste ? Les résultats du T4 publiés par l’entreprise en décembre à quelques jours de la trêve des confiseurs ne sont pas bons du tout. En fait, ceux-ci sont si mauvais et si préoccupants que le e-commerçant a dû renouveler son avertissement sur résultat de juin 2019. Une contre-performance encore une fois sanctionnée par la Bourse, où le titre a dévissé de 93% depuis son IPO en octobre 2015.
Rien n’a pu enrayer la longue descente aux enfers de Showroomprivé qui n’a pas gagné un seul euro de bénéfice depuis longtemps. Au grand dam de ses investisseurs et de ses actionnaires, au premier rang duquel le groupe Carrefour d’Alexandre Bompard, qui détient 17% du capital du site de vente en ligne. Car, à l’arrivée des courses, les résultats escomptés sont loin d’être à la hauteur, au grand dam des espoirs de l’actionnaire Carrefour. En deux ans, le site marchand a vu ses pertes se creuser, la fermeture de ses activités en Allemagne et en Pologne, et l’arrêt de son activité high tech, jugée insuffisamment rentable.
Ce raté tombe de surcroit au pire moment, quelques semaines après que Carrefour soit résigné se séparer de Rue du Commerce. Cette danseuse à plusieurs millions d’euros n’aura jamais fait gagner un seul euro au distributeur français depuis son acquisition en 2015. Si cette décision paraît salutaire pour les finances du groupe, celle-ci éloigne encore un peu plus Carrefour de son objectif de s’imposer comme un leader du e-commerce en France.
Plusieurs de ces entreprises, durement impactées par ces crashs, ont su parfois sortir la tête basse de la spirale d’échec en se réinventant. La tendance à l’hyper-concentration du marché de la vente en ligne – 84% des parts de marché du secteur étant captées par 4,5% des sites marchands – ne favorisent pas les challengers sur ce secteur archi-concurrentiel. Une donnée que les retailers ferait bien de méditer avant de se lancer dans la mise en place de leur propres marketplaces.